Les premières estimations nationales de l’incidence de l’avortement au Rwanda indiquent qu'une femme sur 40 âgées de 15 à 44 ans a subi un avortement en 2009 et qu’il s'agissait dans pratiquement tous les cas de procédures clandestines fort probablement non médicalisées. D’après les résultats de l’étude, menée par l’École de Santé Publique de l’Université Nationale du Rwanda et par l’organisation américaine Guttmacher Institute en collaboration avec le Ministère Rwandais de la Santé, quelque 60.000 avortements auraient été provoqués durant cette année, soit un taux national de 25 pour mille femmes en âge de procréer. Ce taux est inférieur à celui relevé pour l’Afrique subsaharienne dans son ensemble (31 pour mille) et pour l'Afrique orientale (36 pour mille).
Ayant obtenu leurs données auprès d’un échantillon d’établissements de santé et de témoins privilégiés informés sur la question représentatif au niveau national, les chercheurs ont constaté que 25.000 femmes — plus de 40% de celles ayant subi un avortement — avaient souffert de complications ayant requis un traitement médical. Trente pour cent de ces femmes n’ont cependant pas reçu l’attention médicale requise, laissant entendre un besoin de soins après avortement supérieur à ceux actuellement assurés.
Une proportion importante des complications de l’avortement est vraisemblablement imputable aux actes de prestataires non qualifiés tels que les guérisseurs traditionnels, les praticiens non professionnels, ou à ceux des femmes enceintes elles-mêmes. Ces actes peuvent inclure l'ingestion de substances dangereuses ou l'introduction d'objets tranchants dans le corps en vue d'interrompre une grossesse.
« Réduire la mortalité et la mauvaise santé maternelle est une priorité pour le Rwanda », affirme Mme Agnès Binagwaho, Ministre Rwandaise de la Santé. « Ces importantes conclusions nous aideront à mieux répondre au problème et à améliorer la santé et le bien-être des Rwandaises et de leur famille. Le fait que tant de femmes souffrent de complications d’un avortement non médicalisé et que tant d'entre elles ne reçoivent pas les soins dont elles ont besoin est extrêmement préoccupant. Il s’agit clairement d’un problème dont nous devons nous occuper. »
Environ 20% des Rwandaises doivent, à un moment ou l’autre de leur vie, être traitées pour complications d’un avortement non médicalisé. L’étude révèle par ailleurs une faible qualité des soins après avortement sur l’ensemble du système de santé. Si 92% des établissements de santé du pays traitent d’une façon ou l’autre les complications de l’avortement, la plupart n’utilisent pas les techniques recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé.
Le nombre de femmes qui succombent à l’avortement non médicalisé n’est pas connu au Rwanda, mais l’Organisation mondiale de la Santé estime sa pratique responsable de 17% des décès maternels enregistrés en Afrique orientale.
Les chercheurs constatent également qu’en dépit d'une adoption grandissante de la contraception moderne au Rwanda, 47% des grossesses qui surviennent dans le pays ne sont pas planifiées.
« La grossesse non planifiée est la cause profonde de la grande majorité des avortements », souligne Dr. Fidèle Ngabo, Directeur de l’Unité Santé maternelle et infantile du Ministère Rwandais de la Santé et co-auteur de l'étude. « Il est essentiel de répondre au besoin non satisfait de contraception moderne si l’on veut réduire les grossesses non planifiées et l’avortement non médicalisé au Rwanda. »
Les chercheurs recommandent l’amélioration des politiques et programmes rwandais de planification familiale, pour qu’ils répondent au besoin de contraception moderne et réduisent ainsi l’avortement non médicalisé dans le pays. De plus, les soins après avortement doivent être étendus et améliorés de manière à ce que toutes les femmes aient accès aux services de qualité dont elles ont besoin. Comme la plupart des Rwandais croient que l’avortement est illégal en toutes circonstances, des programmes de sensibilisation aux critères d’admission légale de la procédure seraient également utiles.
«Abortion Incidence and Postabortion Care in Rwanda», par Paulin Basinga, et al., figure [en anglais] dans le numéro de mars 2012 du journal Studies in Family Planning.
Ce communiqué de presse est également disponible en anglais.