Contexte: Rares sont les études qui examinent le rôle des cliniciens dans l'expérience de l'avortement au Ghana. Il peut être utile d'examiner comment les cliniciens comprennent l'objection de conscience à l'avortement — c.-à-d. le droit de refuser la prestation d'un avortement légal sur la base de croyances morales ou personnelles —, afin de mieux gérer la pratique.
Méthodes: Huit entretiens en profondeur et quatre discussions de groupe ont été menés avec 14 médecins et 20 sages-femmes de structures sanitaires des régions Orientale et de la Volta au Ghana, en mai 2018. Les guides de ces entretiens semistructurés couvraient des questions telles que la compréhension du concept d'objection de conscience par les cliniciens, sa pratique et ses conséquences pour les prestataires et les patientes. Les données ont été analysées par analyse thématique.
Résultats: La plupart des cliniciens ne comprenaient pas l'expression « objection de conscience »; les sages-femmes étaient mieux informées sur la question que les médecins. Les principales raisons de l'objection de conscience étaient les croyances religieuses et culturelles opposées à l'avortement. Les cliniciens objecteurs aiguillaient les patientes vers les prestataires qui ne l'étaient pas, leur conseillaient de poursuivre leur grossesse ou les encourageaient par inadvertance à recourir à l'avortement non médicalisé. Les conséquences négatives de l'objection de conscience à l'avortement étaient, pour les patientes, les complications, parfois mortelles, de l'avortement non médicalisé; pour les prestataires, ces conséquences se révélaient dans le grand nombre de patientes et la stigmatisation des non-objecteurs, en conduisant certains à invoquer eux aussi l'objection pour les éviter.
Conclusions: Les constats de l'étude mettent en lumière la nécessité d'une recherche approfondie sur les conséquences de l'objection de conscience, y compris la stigmatisation menant au refus d'assurer le service. Cette recherche aidera peut-être, en fin de compte, à limiter l'abus du droit d'objection des cliniciens et à améliorer les soins de santé reproductive des femmes au Ghana.