D’après l’analyse secondaire des données d’un essai comparatif randomisé d’évaluation d’un programme combiné d’autonomisation économique et sur les normes de genre mené en Côte d’Ivoire rurale en 2010 et 2012,1 les interventions visant à réduire la violence aux mains d’un partenaire intime (VPI) sont peut-être moins efficaces parmi les femmes mariées à un âge précoce, par rapport aux autres femmes mariées. Parmi les participantes mariées à l’âge de 18 ans ou plus, celles exposées à la pleine intervention (groupes de discussion sur le dialogue de genre et programme d’épargne de groupe) se sont avérées moins susceptibles que celles exposées au seul programme d’épargne de groupe d’avoir subi une VPI affective et une maltraitance économique durant la dernière année écoulée (RP 0,4 chacune); l’exposition aux groupes de discussion paraît également marginalement associée à une moindre probabilité de VPI physique, VPI sexuelle ou les deux (0,5 chacune). Parmi les femmes mariées avant l’âge de 18 ans, l’exposition aux groupes de discussion est associée à une probabilité moindre de maltraitance économique durant la dernière année (0,3), mais pas des différentes formes de VPI.
La recherche antérieure a démontré que les femmes mariées avant l’âge de 18 ans sont disproportionnément affectées par la VPI et courent un risque supérieur de mauvais résultats de santé sexuelle et reproductive. Peu d’études ont cependant examiné l’efficacité des interventions à réduire ce risque. Dans cette étude, les chercheurs ont analysé les données d’un essai comparatif randomisé pour lequel des associations villageoises d’épargne et de prêt ont été établies dans 24 villages de Côte d’Ivoire. Chaque association comptait 15 à 30 femmes, leur permettant de mettre leurs fonds en commun, d’obtenir des prêts pour des activités de subsistance et de toucher leurs parts d’intérêt après le remboursement des prêts. Environ la moitié des associations d’épargne et de prêt ont ensuite été sélectionnées et affectées aléatoirement au groupe d’intervention sur les normes de genre, consistant en une série de huit sessions de discussion de groupe sur le dialogue de genre à l’intention des femmes et de leur partenaire masculin. Les sessions ont porté sur l’inégalité entre les sexes, l’importance de la non-violence et les contributions des femmes au fonctionnement du ménage. Les enquêtes de référence et de suivi, menées en 2010 et 2012 respectivement, ont mesuré durant l’année précédente l’expérience de VPI physique (coups, coups de pied et menaces à main armée, par exemple), sexuelle (rapports sexuels forcés) ou affective (intimidation ou menace), ainsi que de maltraitance économique (refus du partenaire de donner de l’argent pour l’achat de produits essentiels). Les associations entre ces mesures et l’exposition aux groupes de discussion ont été évaluées par analyses de régression linéaire généralisée, stratifiées suivant que les femmes s’étaient mariées avant ou après l’âge de 18 ans.
Quelque 75% des femmes étaient agricultrices ou propriétaires de petite entreprise, sans instruction, et mères de quatre enfants ou plus. Trois sur 10 s’étaient mariées avant l’âge de 18 ans. De plus grandes proportions de celles mariées avant l’âge de 18 ans n’avaient pas été scolarisées (83% par rapport à 70% de celles mariées plus tard), étaient musulmanes (26% par rapport à 13%), étaient âgées de 18 à 24 ans (16% par rapport à 5%) ou de 25 à 34 ans (32% par rapport à 26%) et avaient un partenaire agriculteur (90% par rapport à 80%). Vingt-deux pour cent des femmes ont déclaré avoir subi une forme de VPI physique ou sexuelle au cours de la dernière année écoulée; 15%, une violence physique; 12%, une violence sexuelle; 44%, une violence affective et 33%, une maltraitance économique. Aucune différence n’a été observée en termes de VPI ou de maltraitance suivant le statut de mariage précoce.
Parmi les femmes mariées avant l’âge de 18 ans, l’exposition aux groupes de discussion est associée à une probabilité moindre de maltraitance économique durant la dernière année écoulée (RP 0,3), sans l’être toutefois aux différents types de VPI considérés. Parmi celles mariées à 18 ans ou plus, l’exposition aux groupes de discussion est associée à une moindre probabilité de déclaration de violence affective ou de maltraitance économique durant la dernière année (0,4 chacune). De plus, l’exposition à l’intervention est marginalement associée à une moindre probabilité de violence physique, sexuelle ou des deux (0,5 chacune).
Les chercheurs identifient plusieurs limites à leur étude: le fait qu’elle n’ait pas été conçue pour évaluer les effets de l’intervention suivant le statut de mariage précoce, l’utilisation d’un échantillon de convenance, le sous-échantillonnage potentiel des femmes mariées avant l’âge de 18 ans et la possibilité d’effets de cohorte. Ils n’en suggèrent pas moins que les femmes qui se marient jeunes tirent peut-être moins profit des interventions d’autonomisation économique et de genre que celles qui se marient plus tard, et que leur étude « confirme les avantages du report du mariage à un âge plus avancé comme moyen potentiel de réduction du risque [de violence conjugale] couru par les femmes ». Les chercheurs estiment en outre qu’« étant donné l’importance du mariage précoce en Côte d’Ivoire, il existe un besoin urgent de mise au point et d’évaluation d’interventions de réduction [de la violence conjugale] adaptées à cette vaste population fort vulnérable ».—J. Thomas
Digest
Les femmes mariées avant l’âge de 18 ans profitent moins des programmes de réduction de la violence conjugale
References
1. Falb KL et al., Differential impacts of an intimate partner violence prevention program based on child marriage status in rural Côte d’Ivoire, Journal of Adolescent Health, 2015, 57(5):553–558.
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