Bien que la prévalence contraceptive ait augmenté considérablement en Afrique subsaharienne ces 20 dernières années, les gains ne sont pour la plupart pas le produit d’un déclin des besoins non satisfaits, d’après une analyse des données d’Enquête démographique et de santé (EDS).1 Lors de l’examen des tendances de 22 pays soumis à plusieurs EDS entre 1990 et 2011, les enquêteurs ont observé une hausse moyenne de la prévalence contraceptive de 13 points de pourcentage — de 17% à 30% — entre la première enquête menée dans le pays et celle la plus récente. Cela dit, la proportion des femmes qui présentent des besoins non satisfaits a diminué d’une moyenne de quatre points de pourcentage seulement, soit une baisse inférieure à celle observée simultanément au niveau de la proportion des femmes sans besoin (celles qui désirent une nouvelle maternité dans un prochain avenir, par exemple).
Peu d’études ont examiné l’évolution longitudinale des besoins non satisfaits et de l’absence de besoin parmi les cohortes de femmes. Madsen et al. font cependant remarquer que les données d’EDS offrent un bon substitut. Comme les enquêtes d’un pays particulier se jalonnent généralement à cinq ans d’intervalle, on peut utiliser les enquêtes consécutives pour suivre l’évolution de la pratique contraceptive ou non parmi les cohortes de cinq ans de femmes. Par exemple, un échantillon aléatoire de femmes de 25 à 29 ans dans une enquête donnée provient du même ensemble de femmes qu’un échantillon prélevé parmi les 20 à 24 ans lors de l’enquête précédente, simulant ainsi une étude de cohorte longitudinale.
L’étude considérée ici repose sur cette approche pour analyser les données d’EDS collectées entre 1990 et 2011 dans 22 pays d’Afrique subsaharienne. Tous les pays avaient mené au moins deux enquêtes durant cette période et la plupart, quatre. Dans presque tous les cas, la première enquête considérée pour un pays particulier avait été effectuée avant 1998 et la dernière, après 2005. Pour chaque enquête, les femmes âgées de 15 à 49 ans mariées ou en union ont été catégorisées, selon les définitions d’EDS standard, comme pratiquant la contraception, présentant des besoins non satisfaits, étant sans besoin ou stériles.
Les enquêteurs ont examiné de deux manières les tendances de ces quatre catégories. Ils ont commencé par des analyses de période, pour évaluer les changements de prévalence dans chacun des groupes de cinq années (afin de déterminer, par exemple, si la prévalence de la pratique contraceptive, des besoins non satisfaits, de l’absence de besoin et de la stérilité parmi les 20 à 24 ans de la première enquête considérée dans un pays différait de celle observée parmi les 20 à 24 ans des enquêtes suivantes), procédant par analyses descriptives et de régression.
Comme indiqué plus haut, ils ont ensuite procédé à des analyses de cohorte, dans lesquelles les femmes de chaque tranche d’âge de cinq ans ont été présumées représenter la même population que la tranche aînée de l’enquête suivante. Même si l’intervalle moyen entre les enquêtes était en fait d’environ cinq ans, 21% avaient été menées à moins de quatre ans d’intervalle ou à plus de 6,5 ans. Quoi qu’il en soit, les auteurs ont retenu ces valeurs extrêmes afin de maintenir une couverture globale et une taille d’échantillon adéquate. Les analyses supplémentaires indiquent que la rétention de l’échantillon intégral n’a pas affecté significativement les résultats.
Les analyses de période ont révélé, en moyenne, que la prévalence contraceptive d’un pays donné avait augmenté de 13 points de pourcentage (de 17% à 30%) entre la première et la dernière enquête du pays (intervalle moyen, 14 ans). Dans ce même temps, les pays présentaient une baisse moyenne de quatre points de pourcentage au niveau de la proportion des femmes présentant des besoins non satisfaits, cinq points concernant celle des femmes sans besoin et quatre points parmi les femmes stériles. Conformément à ces observations, un modèle de régression linéaire multiple a lié plus étroitement la hausse de la prévalence contraceptive à une baisse de l’absence de besoin (coefficient, −1,25) qu’à celle de besoins non satisfaits (−1,08).
Les analyses de période par tranche d’âge ont révélé les hausses de prévalence contraceptive les plus fortes (12 à 14 points de pourcentage) parmi les femmes de 20 à 44 ans et les plus faibles (neuf points de pourcentage) parmi celles de 15 à 19 ans ou de 45 à 49 ans. La tendance est similaire pour la baisse des besoins non satisfaits, qui apparaît la plus forte parmi les femmes des tranches intermédiaires (quatre à six points de pourcentage parmi les femmes de 25 à 39 ans) et la plus faible parmi les plus jeunes et les plus âgées. Par contre, les baisses de proportion des femmes sans besoin sont les plus fortes parmi les plus jeunes (cinq à huit points de pourcentage parmi les femmes de 15 à 29 ans) et celles concernant la stérilité, parmi les femmes de 35 ans ou plus (six à neuf points).
L’analyse de cohorte est limitée aux quatre tranches d’âge les plus jeunes (femmes âgées de 15 à 34 ans lors des premières enquêtes), car celles des cohortes plus âgées ont atteint trop rapidement l’âge d’exclusion des enquêtes EDS pour permettre l’analyse des tendances à long terme. Entre la première et la dernière enquête, les femmes âgées de 15 à 19 ans et de 20 à 24 ans à la base présentent de nettes augmentations de la pratique contraceptive (23 et 18 points de pourcentage, respectivement), expliquées davantage par d’aussi nettes réductions des proportions de femmes sans besoin (22 et 21 points) que par les faibles baisses de la proportion présentant un besoin non satisfait (trois et deux points). Les augmentations de la pratique contraceptive sont plus faibles parmi les femmes de 25 à 29 ans et de 30 à 34 ans (14 et six points), mais ici encore, les gains s’expliquent probablement davantage par le déclin des proportions de femmes sans besoin (23 et 26 points), tandis que la baisse des besoins non satisfaits reste beaucoup plus faible (quatre et huit points). Sans surprise, la prévalence de la stérilité augmente légèrement dans les deux cohortes les plus jeunes (entre deux et cinq points) et dans une beaucoup plus grande mesure dans les deux plus âgées (entre 13 et 28 points).
Les analyses de cohorte de chaque pays individuel correspondent généralement à celles de l’échantillon au complet. Dans les 22 pays, la baisse de proportion de femmes sans besoin excède celle des femmes présentant des besoins non satisfaits dans la tranche des 20 à 24 ans à la base. Il en va de même, dans 19 pays, parmi les femmes de 30 à 34 ans à la base.
Selon d’autres données d’EDS, l’intention de pratique contraceptive — l’un des plus forts prédicteurs de pratique future — augmente considérablement (de 16 points de pourcentage) entre la première et la dernière enquêtes parmi les femmes sans besoin, mais à peine (de trois points) parmi celles présentant des besoins non satisfaits.
Les chercheurs font remarquer que les fortes baisses survenues dans la proportion de jeunes femmes mariées sans besoin laissent entendre que « les efforts d’élargissement de l’acceptabilité de la planification familiale, de l’accès et de la pratique sont couronnés de succès parmi les jeunes femmes » (soit les individus qui, dans le passé, n’auraient généralement pas présenté de besoin de contraception parce qu’elles désiraient des enfants peu après le mariage). Cependant, les progrès relativement mineurs survenus en termes de réduction des niveaux de besoins non satisfaits — ou d’accroissement de l’intention de pratique contraceptive parmi les femmes présentant un tel besoin — donnent à penser que les programmes doivent porter davantage d’attention à « traiter les raisons complexes et plurielles » de l’absence de pratique, y compris les « préoccupations de santé » telles que la peur des effets secondaires.—P. Doskoch
Digest
La baisse des besoins non satisfaits n’est pas la raison principale de la hausse de la prévalence contraceptive
Auteurs
P. DoskochReferences
1. Madsen EL et al., Tracking changes in states of contraceptive use over time in Sub-Saharan Africa through cohort and period analyses, Journal of Biosocial Science, 2015, 47(3):329–344.
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