Les adolescents d’Afrique subsaharienne qui vivent dans un ménage affecté par le VIH sont plus susceptibles que leurs pairs de devenir sexuellement actifs.1 Selon une analyse des données d’Enquête démographique et de santé (EDS) collectées en 2003–2008 dans 19 pays, les adolescents de 15 à 17 ans vivant avec au moins un adulte séropositif se sont révélés 27% plus susceptibles d’avoir déjà eu des rapports sexuels que ceux qui ne vivaient pas avec un adulte séropositif (RP 1,3). Cependant, contrairement à certaines études antérieures, celle considérée ici n’observe pas de risque d’activité sexuelle supérieur parmi les orphelins après correction du niveau de pauvreté et d’autres circonstances du ménage.
Bien que de nombreuses recherches aient examiné les vulnérabilités des enfants orphelins du sida, beaucoup moins d’attention a été accordée à celles des enfants vivant dans un ménage dont un membre est séropositif. Pour combler cette lacune, les chercheurs ont analysé les données d’EDS de 19 des 21 pays d’Afrique subsaharienne dotés de données de dépistage du VIH entre 2003 et 2008 (les deux pays restants ont été exclus pour raisons techniques). Comme toutes les enquêtes EDS, celles-ci ont collecté une information auprès d’échantillons nationalement représentatifs d’hommes et de femmes en âge de procréer. L’analyse considérée ici est limitée à 22 620 adolescents âgés de 15 à 17 ans.
Outre les questions relatives à leurs caractéristiques sociodémographiques, les répondants ont été invités à indiquer s’ils étaient orphelins de mère ou de père; s’ils étaient inscrits à l’école; quel était leur niveau d’exposition aux médias; quelles étaient les possessions et aménagements du ménage (d’après lesquels l’EDS estime la richesse du ménage); quels étaient le sexe et l’âge de leur chef de famille, ainsi que leur relation par rapport à cette personne; et s’ils avaient déjà eu des rapports sexuels. Les résultats des tests de dépistage du VIH administrés aux membres du ménage ont servi à classifier les adolescents comme vivant ou non avec un adulte séropositif. Les chercheurs ont élaboré des modèles de régression logistique multiniveaux dans le but d’évaluer les associations, stratifiées par sexe, entre le fait de vivre avec un adulte séropositif ou d’être orphelin de mère ou de père et le début de l’activité sexuelle.
Dans l’ensemble, 11% des répondants vivaient avec un adulte séropositif, bien que cette proportion varie largement, entre 2% en Éthiopie et 44% au Swaziland. Dans les 10 pays pour lesquels les données d’orphelins étaient disponibles, 7% des répondants étaient orphelins de mère; cette proportion était la plus faible au Liberia (4%) et la plus élevée au Zimbabwe (17%). La proportion des adolescents orphelins de père était de 13% dans l’échantillon groupé; elle varie entre 11% au Liberia et 34% au Lesotho.
Trente-deux pour cent des filles et 25% des garçons avaient déjà eu des rapports sexuels. Ici encore, les proportions varient considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, au Rwanda, 9% des filles âgées de 15 à 17 ans avaient déjà eu des rapports sexuels, par rapport à 60% de leurs homologues au Liberia. Côté masculin, la proportion est la plus faible en Éthiopie (3%) et la plus élevée en Côte d’Ivoire (52%).
Dans les analyses de régression logistique multiniveaux avec correction des circonstances du ménage (richesse, relation de l’adolescent par rapport au chef de famille et âge et sexe du chef de famille) et d’autres covariables, les jeunes femmes vivant avec un adulte séropositif avaient plus probablement déjà eu des rapports sexuels (RP, 1,3). De plus, l’âge s’est avéré associé positivement avec l’expérience sexuelle (2,0 par année), et les jeunes femmes étaient moins susceptibles d’avoir déjà eu des rapports si elles étaient scolarisées (0,4), protestantes plutôt que catholiques ou orthodoxes (0,8), si elles n’étaient pas chef de famille de leur ménage (0,02 à 0,04), si elles appartenaient au quintile le plus riche plutôt qu’au plus pauvre (0,7) ou si elles vivaient dans un ménage dont le chef de famille avait moins de 25 ans plutôt que 25 à 59 ans (0,8).
Côté masculin, les résultats des régressions reflètent généralement ceux obtenus pour les filles. L’âge et le fait de vivre avec un adulte séropositif sont associés à une probabilité supérieure d’avoir déjà eu des rapports sexuels (RP, 1,8 et 1,2, respectivement), tandis que la scolarisation, le fait de ne pas être chef de famille et l’appartenance au quintile le plus riche le sont à une moindre probabilité d’expérience sexuelle (0,4–0,6). De plus, à mesure de l’augmentation des niveaux d’éducation et d’exposition aux médias, la probabilité d’expérience sexuelle des garçons augmente aussi (1,4 à 1,9); l’appartenance à un ménage dont le chef est âgé d’au moins 60 ans est également associée à une probabilité supérieure d’expérience sexuelle (1,2). Si, dans les modèles de régression intermédiaires, le fait d’être orphelin de père est associé positivement à l’expérience sexuelle des garçons, cette association n’est pas significative sous correction des circonstances du ménage.
Enfin, les régressions effectuées sur l’échantillon au complet produisent des résultats similaires à ceux obtenus pour les garçons, bien qu’avec quelques légères différences de rapports de cotes. Les probabilités d’expérience sexuelle sont de 27% supérieures parmi les adolescents des ménages comptant un adulte séropositif (RP, 1,3 par rapport aux autres ménages). En outre, le fait d’être de sexe féminin est associé à une probabilité supérieure d’avoir déjà eu des rapports sexuels (1,2), tandis que celui d’être orphelin de mère l’est à une probabilité moindre (0,8).
Les chercheurs reconnaissent plusieurs limites à leur étude. D’abord, les données sont transversales, rendant impossible la détermination de l’ordre temporel entre le statut séropositif du ménage et le début de l’activité sexuelle des adolescents. Ensuite, les données concernant les orphelins n’étaient disponibles que pour la moitié environ des pays considérés; les analyses supplémentaires indiquent cependant que l’inclusion ou l’exclusion de cette variable n’affecte en rien les autres estimations. Enfin, les limites des données n’ont pas permis l’exploration des associations de niveau régional ou national. Malgré ces limites, les chercheurs concluent que leurs observations appuient l’argument selon lequel les adolescents vivant dans les ménages affectés par le VIH sont vulnérables au début de l’activité sexuelle, soulignant par ailleurs « l’importance de l’élargissement des efforts actuels dans la région au soulagement du fléau imposé, outre aux orphelins, aux autres enfants des ménages affectés par le VIH/sida ».—L. Melhado
Digest
Parental HIV Status Linked to Sexual Debut In Sub-Saharan Africa
Auteurs
Lisa Melhado, Guttmacher InstituteReferences
1. Magadi MA et Uchudi J, Onset of sexual activity among adolescents in HIV/AIDS-affected households in Sub-Saharan Africa, Journal of Biosocial Science, 2015, 47(2):238–257.
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