Un milliard et demi de personnes, environ, dans quelque 40 pays du monde, vivent actuellement dans des états considérés en conflit armé actif et sont, par conséquent, confrontées à de sérieuses menaces.1 Les jeunes femmes qui se retrouvent dans de telles situations sont particulièrement vulnérables au danger qui pèse sur leur santé sexuelle et reproductive, du fait non seulement de la violence directe du conflit mais aussi de l’effondrement de l’ordre public et de la cohésion des communautés.2 L’identification des facteurs de risque et de protection, en ce qui concerne les enjeux de santé sexuelle et reproductive, sera utile à l’élaboration de politiques et de programmes appropriés, de même qu’au ciblage des femmes vulnérables aux effets/conséquences défavorables.3
Le conflit armé a le potentiel de changer radicalement la manière dont les jeunes femmes accèdent aux établissements qui soutiennent leur santé sexuelle et reproductive, et en bénéficient. Ces établissements peuvent inclure des mécanismes de justice législative, une gouvernance et une approche policière stables qui les protègent de la violence et de la contrainte sexuelles, ainsi que des infrastructures sanitaires et pédagogiques aptes à faciliter l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive de qualité. Le conflit peut par ailleurs perturber les processus politiques, tels que le vote et la participation aux manifestations, qui permettent aux jeunes femmes d’exprimer leurs préoccupations. L’élaboration d’une politique sociale progressive de la santé sexuelle et reproductive — propice à l’éducation sexuelle et à l’accès aux méthodes de planification familiale — et la mise en place de filets de sécurité économique qui aident à parer à la pauvreté risquent aussi de se trouver entravés.
L’érosion de l’infrastructure et des ressources de soutien de la santé sexuelle et reproductive des jeunes femmes, élaborées et développées au fil de nombreuses années parfois, peut être rapide en période de conflit. Ainsi, lors du génocide rwandais, quelque 80% des professionnels de la santé auraient été tués ou auraient fui le pays, tandis que les approvisionnements et les équipements médicaux subissaient d’intenses pillages et destructions.4 L’accès aux services de santé peut, du reste, se restreindre faute de protection des prestataires, en proie aux représailles et aux attaques.5–7 Durant les hostilités entre chiites et sunnites dans la ville pakistanaise de Gilgit, le personnel des hôpitaux et cliniques appartenant à certains groupes confessionnels a été tué ou empêché d’assurer ses prestations, réduisant notamment l’accès aux services obstétricaux, avec pour effet ultime une morbidité et mortalité maternelles accrues.8
La migration et le déplacement forcés intensifient davantage encore la vulnérabilité des jeunes femmes en ce qu’ils désagrègent les structures familiales et communautaires. Bien que les camps et autres installations de réfugiés puissent être considérés, dans un premier temps, comme un havre de sécurité, ils peuvent à leur tour poser de nouvelles menaces.9,10 Cela sans compter que la stagnation ou le déclin économique, en limitant les débouchés possibles, finit aussi par réduire les options de vie (sexuelle comprise) accessibles aux jeunes femmes.11,12
La rupture sociale et économique précipitée par le conflit armé soulève plus d’une question quant à la manière dont les jeunes femmes peuvent se protéger des menaces posées à leur survie et à leur santé sexuelle et reproductive. Il est de plus en plus admis que les notions de risque et de protection sont largement contextuelles et qu’elles ne permettent par conséquent pas de prédire universellement les résultats.3,13–15 Pourtant, l’adoption de cadres de risque et de protection universels se poursuit dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, sans guère considérer leur pertinence en fonction des groupes ou contextes distincts. Nous démontrons dans cet article les limites de cette application systématique par la considération du mariage précoce et du sexe transactionnel dans le contexte du conflit. Nous présentons ces questions pour mettre en lumière le défi du soutien de la santé sexuelle et reproductive dans les contextes de conflit armé, où la protection et la survie peuvent avoir un prix, compte tenu surtout des conséquences à brève et longue échéances des choix de santé sexuelle et reproductive.
MARIAGE PRÉCOCE
À l’échelle mondiale, un quart des femmes âgées de 20 à 24 ans sont mariées avant l’âge de 18 ans;16 la proportion est beaucoup plus élevée dans les pays moins développés. Les organisations internationales se sont engagées à prévenir le mariage précoce pour diverses raisons d’ordre social, pédagogique et médical.17–21 Les justifications du mariage précoce sont elles aussi variées, souvent liées la subsistance des ménages, aux pratiques culturelles, aux normes sociales, à des considérations financières et au désir qu’ont les familles de protéger leurs filles des attaques sexuelles et d’assurer des rapports sexuels sûrs au sein du mariage.19
D’autres complexités s’associent au mariage précoce lorsqu’il survient dans le contexte du conflit. Une étude de districts affectés par le conflit au Sri Lanka constate qu’un tiers des 560 femmes comprises dans l’échantillon s’étaient mariées entre l’âge de 15 et 18 ans, dans une proportion nettement supérieure à la moyenne, d’après ce qu’en disent les auteurs (sans toutefois indiquer cette moyenne).22 Les répondantes qualifient le mariage précoce de « stratégie de protection », pour parer au risque de « recrutement » ou d’enlèvement des filles dans les factions militaires. Au sein des groupes militaires, les jeunes femmes enlevées avaient subi une violence sexuelle grave et prolongée, comme « épouses » involontaires données aux soldats rebelles notamment.23 En Sierra Leone, pendant la guerre civile (1991–2002), jusqu’à deux tiers des jeunes femmes associées aux groupes rebelles (comme combattantes ou captives) avaient subi ce même sort.24
D’autres études soutiennent l’idée selon laquelle le mariage précoce offre une forme de sécurité sexuelle en période de conflit. Par exemple, une analyse des dossiers médicaux de l’hôpital de Panzi, dans l’Est de la République démocratique du Congo, a révélé que, parmi les femmes soignées pour cause de violences sexuelles, celles qui n’avaient jamais été mariées étaient six fois plus susceptibles d’avoir été soumises à l’esclavage sexuel que celles mariées, abandonnées ou veuves.25 De même, en Angola, les jeunes femmes mariées étaient moins susceptibles que leurs homologues célibataires d’avoir été enlevées lors des raids des rebelles dans les villages.10 De plus, en cas d’agression sexuelle d’une jeune femme par un civil (par opposition à un combattant) en zone de conflit, les familles peuvent forcer leur fille à épouser l’agresseur pour éviter l’opprobre qui couvrirait sinon la jeune femme et sa famille.22,26,27
Les camps de réfugiés et de personnes déplacées peuvent présenter un nouvel ensemble de risques, en particulier pour les jeunes femmes. Certaines données laissent entendre que la vie dans les camps accroît le risque de mariage précoce, reflet de l’inquiétude grandissante des parents face au démembrement des normes sociales qui règne dans ce nouvel environnement et aux nouveaux types de contact social entre les sexes.28
RELATIONS ET SEXE TRANSACTIONNELS
Beaucoup de femmes vivent leur première rencontre sexuelle au sein du mariage, événement de transition majeur de la vie.29 Les niveaux mondiaux d’activité sexuelle avant le mariage sont cependant en hausse.29 Dans de nombreux cas, les jeunes femmes s’engagent dans des relations sexuelles de nature transactionnelle, basées sur l’échange informel d’argent ou de biens matériels.30 Étant donné les dissymétries d’âge qui caractérisent souvent ces relations, les jeunes femmes ont rarement le pouvoir de négocier des pratiques sexuelles plus sûres, accroissant dès lors leur vulnérabilité à de mauvais résultats de santé sexuelle et reproductive et à la violence sexuelle et physique.31 Les motivations qui conduisent aux relations transactionnelles englobent non seulement la satisfaction de besoins de base et l’accès à l’éducation, mais aussi l’occasion d’acquérir des objets de luxe et d’accéder au rang social qui y est associé.30,31
Le conflit peut affecter la probabilité d’engagement des jeunes femmes dans des relations de sexe transactionnel. Par exemple, les changements de structure du ménage occasionnés par la mortalité des hommes, leur emprisonnement ou leur affiliation militaire, de même que les tendances économiques, peuvent s’accompagner de profondes conséquences sur la subsistance de la femme et sa situation économique. La perturbation des modes d’existence agricoles survenue sous l’effet du déplacement provoqué par le conflit au Népal rural a poussé les jeunes femmes au commerce du sexe dans le but de subvenir aux besoins de leur famille.12 De même, dans le nord ougandais, le sexe transactionnel est devenu stratégie de survie lorsque l’agriculture n’était plus viable.11 En temps de conflit, éviter la famine et la misère de la famille prend souvent le dessus sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes femmes. Même dans les camps de réfugiés, les systèmes de distribution de la nourriture et d’autres denrées essentielles sont souvent aux mains de comités principalement masculins dont les membres abusent parfois de leur autorité et exigent des faveurs sexuelles en échange de l’accès aux biens;32 les systèmes de distribution alimentaire inadéquats ou irréguliers peuvent dès lors forcer les femmes à recourir au sexe de survie. Certains rapports font même état de situations de sexe transactionnel, voire d’abus sexuels de réfugiées vulnérables par des travailleurs humanitaires.33
Les relations transactionnelles peuvent aussi représenter une importante stratégie de survie au sein des groupes rebelles. En Sierra Leone, notamment, un rapport décrit la structure organisationnelle du Front révolutionnaire uni comme basée sur des « ménages », dans lesquels les ressources telles que l’eau et la nourriture étaient distribuées au « chef de ménage ».24 Les jeunes femmes pouvaient, par le biais du sexe et du « mariage », accéder aux unités domestiques et satisfaire ainsi à leurs besoins fondamentaux de survie. «Épouser» un haut commandant ou être enceinte de lui pouvait représenter une option particulièrement désirable, offrant notamment l’avantage de l’exemption des travaux pénibles.
L’évolution des attitudes et des comportements sexuels en temps de conflit peut s’accompagner de conséquences durables sur les normes sociales. Dans une étude qualitative menée dans le nord de l’Ouganda, les répondants ont indiqué que le conflit avait miné la moralité sexuelle — comme en témoignent la précocité de l’activité sexuelle, le mariage forcé et l’engagement des jeunes dans des relations de nature transactionnelle à des fins autres que de survie immédiate — et que des niveaux élevés de ces comportements avaient persisté durant la période post-conflictuelle.34 De même, des discussions de groupe avec de jeunes élèves des écoles du Liberia ont révélé la perception que les relations transactionnelles s’étaient répandues pendant la guerre civile du pays et étaient restées courantes post-conflit. Ces relations ont été décrites comme souvent encouragées par les parents et engagées en vue de l’obtention de biens matériels et pour couvrir les frais de scolarité.35 En Sierra Leone, par contre, les jeunes femmes qui avaient eu recours au sexe ou au « mariage » à des fins de survie et qui en étaient devenues mères ont été rejetées par leur communauté à la fin du conflit, se retrouvant dès lors dans l’impossibilité de gagner leur vie ou de trouver un mari après la guerre.36 Pour de nombreuses jeunes mères qui rentrent chez elles après une période de conflit, l’incapacité de se réintégrer dans la société, combinée au manque de qualifications ou d’éducation formelles, peuvent limiter l’accès aux ressources, faisant du travail du sexe ou des relations transactionnelles informelles leur principal mode de survie.
RISQUE ET PROTECTION
La documentation met en valeur certaines des complexités qui apparaissent dans le contexte du conflit et dont les responsables politiques, les travailleurs humanitaires et autres doivent tenir compte dans l’effort engagé pour aider les jeunes femmes à gérer les menaces potentielles à leur santé sexuelle et reproductive. Certains cadres de risque et de protection fréquemment cités à ce titre simplifient peut-être trop les processus en jeu dans les contextes affectés par le conflit. L’accès à l’éducation est généralement considéré comme un facteur de protection utile dans la lutte contre le mariage précoce. Or dans les situations de conflit, la fréquentation de l’école peut accroître le risque de violence physique ou sexuelle ou d’enlèvement.37 De même, les camps de réfugiés et de personnes déplacées sont considérés des lieux sûrs. Pourtant, la distribution de la nourriture et d’autres denrées essentielles y est souvent organisée selon les modèles traditionnels patriarcaux,38 rendant les femmes non accompagnées ou les chefs de ménage féminines particulièrement vulnérables. Comme indiqué plus haut, les familles, les communautés, les travailleurs humanitaires et le personnel militaire peuvent représenter d’importantes sources de soutien et de protection mais aussi accroître le risque du sexe de survie, du sexe transactionnel, du mariage précoce et même de la traite des personnes.10,22,33,35,39
La diversité de l’impact immédiat et à plus long terme du conflit armé, même au niveau interne d’un seul pays, remet en question les facteurs de risque et de protection présumés. Bien que généralement considérés comme des facteurs de risque en temps de stabilité et de paix, le mariage précoce et le sexe transactionnel peuvent jouer temporairement un rôle protecteur dans certaines situations de conflit, en assurant la survie et en réduisant les autres implications sexuelles néfastes. À plus longue échéance, cependant, ces mêmes actions peuvent s’accompagner de conséquences durables, non seulement en termes de santé sexuelle et reproductive (grossesse et maternité), mais aussi en ce qui concerne l’acceptation dans la communauté et la formation de relations futures. Les facteurs de risque et de protection ne sont pas statiques. Leur nature dynamique, de même que la question de savoir si et comment ils protègent ou augmentent le risque, ne peuvent être cernées qu’une fois identifiés les contextes plus larges.13–15 Il est donc important, outre la recherche d’une liste de facteurs de protection et de risque associés aux résultats négatifs de santé sexuelle et reproductive, de considérer aussi les processus de protection qui interviennent et de comprendre les compromis acceptés par les jeunes femmes et leur famille. Dans certains contextes, la survie et la protection ont un prix.
AUTRES IMPLICATIONS
Dans les contextes de conflit, le mariage précoce et le sexe transactionnel peuvent être considérés comme des stratégies de protection ou comme la seule option possible pour les jeunes femmes vulnérables et leur famille. Cela dit, si ces stratégies peuvent assurer la survie à brève échéance, elles peuvent sur le long terme s’accompagner de nombreuses conséquences pour la santé sexuelle et reproductive des femmes. Il est important de reconnaître la nature stratégique du comportement des femmes en temps de guerre si l’on veut concevoir et exécuter des stratégies post-conflit qui tiennent compte des conséquences à long terme possibles de ces « décisions ».
De manière générale, les jeunes femmes sont représentées comme des victimes passives en période de conflit.40 La documentation décrit pourtant aussi une certaine détermination et résilience dans leurs actes: par exemple, dans le recours à leur sexualité pour marchander leur accès aux « unités domestiques » dans le contexte des groupes militaires.24 La sexualité n’en est pas moins souvent le recours accepté quand peu d’autres choix ou ressources sont disponibles; les jeunes intéressées ne peuvent donc pas être considérées comme jouissant d’une véritable autonomie de leur choix. Cela dit, quelle que soit la manière dont on entende cette « détermination » ou « autonomie », elle est souvent considérée cruciale à l’assurance d’un actif de protection, soulignant la mesure dans laquelle le pouvoir sous-tend les choix des femmes.41,42 Les praticiens qui s’occupent des jeunes femmes dans les contextes post-conflit doivent dès lors s’inspirer d’une perspective axée sur les atouts pour aider ces jeunes femmes à élaborer des stratégies qui leur permettent de se protéger, et d’améliorer aussi de leur santé sexuelle et reproductive.43 Cela peut impliquer la cartographie des ressources disponibles à ces femmes — leurs avoirs, leurs compétences, leurs réseaux de soutien, leurs connaissances (y compris ce qu’elles ont appris durant le conflit), leurs aspirations, leurs ressources communautaires et leur capital social — et l’élaboration d’un plan de protection basé sur ces ressources. Reconnaître la capacité d’agir et s’appuyer sur cette reconnaissance (même en rapport avec les stratégies de survie) sont à la base de l’élaboration, avec les jeunes femmes, de pratiques propices à leur autonomisation.44
De plus, les jeunes femmes ne doivent pas assumer la charge seules. Les ressources de protection dont peut disposer une communauté, en période de conflit comme après, ne sont pas toujours reconnues ou appréciées mais peuvent être observées dans les activités (et difficultés) journalières des personnes qui se côtoient.45 Petchesky préconise la reconnexion de l’individu à de nouvelles communautés en période d’insécurité, citant l’exemple du Darfour, où les leaders féminines ont établi des « patrouilles du bois de chauffe » afin de protéger les femmes et les filles contre les agressions sexuelles lors de la collecte du bois. Ces groupes sont aussi devenus le cadre de considération et résolution de problèmes communs.46
L’ouverture de créneaux d’action et la mise en rapport des jeunes femmes les unes avec les autres semblent d’importantes mesures aptes à faciliter l’établissement de stratégies locales — de même que l’accès aux ressources — utiles à la négociation sans risques de la santé sexuelle et reproductive.43 En restant conscients de la capacité des communautés à ouvrir certains débouchés aux jeunes femmes mais aussi à leur poser certains risques, les praticiens peuvent veiller à ce que ces nouvelles communautés leur assurent autant de protection que possible.
Il faut reconnaître, dans les situations de conflit, l’interconnexion entre la santé sexuelle et reproductive et la subsistance, l’éducation, l’égalité de genre et les droits humains, de même que le rôle potentiel d’autres types d’intervention favorables à la santé sexuelle et reproductive.22,46,47 Les efforts d’intégration visant la protection des jeunes femmes et le soutien de pratiques de santé sexuelle et reproductive sans risques demandent une approche multidisciplinaire et multiniveau. Les réponses humanitaires tendent à se concentrer sur les besoins de survie; la capacité à traiter les causes, ou les raisons, de la vulnérabilité leur fait souvent défaut.11 La prévention est également importante. Si les messages de santé concernant les effets néfastes du sexe transactionnel et non protégé ont, certes, un rôle à jouer, l’ouverture de débouchés économiques qui réduisent la pauvreté et l’insécurité est vraisemblablement plus apte à réduire le nombre de jeunes femmes qui s’engagent dans ce type de relations.
Les praticiens doivent aussi garder à l’esprit que certaines jeunes femmes adoptent des comportements risqués dans le but d’assurer leur propre sécurité et être prêts à répondre à leurs besoins de santé sexuelle et reproductive immédiats et continus, quel que soit le contexte. Les services dont les jeunes femmes peuvent avoir besoin pour assurer leur santé sexuelle et reproductive sont vastes, de la planification familiale à la santé maternelle et infantile et de la gestion de la violence sexuelle au développement de compétences de vie (de négociation et de communication, notamment). L’absence d’un tel soutien intense et d’envergure pourrait rendre impossible l’amoindrissement sur le long terme des résultats de santé sexuelle et reproductive défavorables associés au mariage précoce et au sexe transactionnel.
CONCLUSIONS
Malgré le préjudice que le mariage précoce et le sexe transactionnel portent à brève et longue échéances à la santé sexuelle et reproductive des jeunes femmes, ils représentent des solutions possibles aux menaces immédiates posées à leur vie et à leur sécurité sexuelle.36 Les exemples donnés dans ce bref commentaire illustrent la nécessité pour les praticiens de rejeter les notions de risque et de protection trop simplistes et d’en accepter les complexités inhérentes, à la fois entre elles et par rapport aux effets de la résilience. Les événements tels que le mariage précoce peuvent tout aussi bien exposer les jeunes femmes à certains risques que les en protéger, suivant le contexte et la durée de ces événements.48
En résumé, il est clair que le conflit peut décomposer les facteurs de protection éventuellement mis en place pour protéger la santé sexuelle et reproductive des jeunes femmes, mais aussi qu’il serait faux de supposer que les facteurs considérés comme étant de risque ou de protection en temps « normal » le demeurent nécessairement en temps de conflit. Cela dit, la manière dont les jeunes femmes des régions affectées par un conflit réussissent à négocier leur santé sexuelle et reproductive sans courir le risque de conséquences sexuelles défavorables n’est guère documentée. Les choix difficiles que les jeunes femmes opèrent en l’absence d’options dénuées de risques ou la nature de l’atténuation possible de l’impact des risques qu’elles prennent ne sont pas clairs. La recherche doit être approfondie sur les facteurs de protection susceptibles de changer la trajectoire de l’exposition au risque d’effets de santé sexuelle et reproductive défavorables pour les jeunes femmes touchées par une situation de conflit.42 Cette recherche devra examiner les compromis acceptés par les jeunes femmes, leur famille et leur communauté sur le plan de la santé sexuelle et reproductive, ainsi que le prix de la protection. Les travaux afférents pourraient faciliter la mise au point de meilleures interventions post-conflit, aptes à aider, de par le monde, des millions de jeunes femmes mises dans une position où les pratiques possibles de santé sexuelle et reproductive « sans risques » sont rares ou inexistantes. Le rôle des soins post-conflit dans l’atténuation, l’amoindrissement et la réduction de l’impact à long terme de l’exposition à ces risques est par conséquent crucial, fût-ce même en l’absence possible de stratégies empiriques utiles à cette approche.