Contexte: Les causes de l'augmentation substantielle de la prévalence contraceptive dans le monde en voie de développement depuis 1960 ont fait l'objet d'intenses débats. Une question importante reste à résoudre, concernant la contribution relative de l'évolution des préférences de fécondité (hausse de la proportion des femmes qui ne désirent plus avoir d'enfants, etc.) par rapport à la concrétisation améliorée des préférences établies (pratique contraceptive accrue parmi les femmes qui ne désirent plus d'enfants, etc.)
Méthodes: Les données de prévalence contraceptive des Enquêtes mondiales sur la fécondité et des Enquêtes démographiques et de santé de 26 pays d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique, des années 1970 aux années 1990, sont analysées par décomposition de régression. Le but de cette analyse est de déterminer la mesure du changement de la prévalence imputable à l'évolution des préférences de fécondité (la «composition») et celle attribuable aux changements des taux de pratique contraceptive dans les catégories de préférence (les «taux»).
Résultats: L'augmentation substantielle de la prévalence contraceptive, depuis les années 1970, en Amérique latine, en Asie et en Afrique, s'avère moins le résultat d'une demande accrue de familles moins nombreuses et davantage celui de la satisfaction de la demande existante. L'element «taux» domine dans les 26 pays, représentant plus de 70% de la hausse de la prévalence contraceptive dans 24 pays et plus de 80% dans deux pays sur trois. L'élément «composition» ne représente plus du tiers de l'augmentation de la prévalence qu'au Ghana et en Equateur, tandis qu'en Colombie, au Pérou, en Thaïlande et en Zambie, l'évolution des préférences justifie moins de 10% de la hausse. Il en ressort que l'augmentation observée de la prévalence contraceptive serait intervenue, pour la plupart, même en l'absence de changement au niveau des préférences de fécondité des couples. En Afrique subsaharienne, l'évolution des préférences de fécondité représente une plus grande partie de l'augmentation de la prévalence contraceptive que dans les autres régions.
Conclusions: Les observations sont conformes à l'hypothèse à la base de l'investissement dans les programmes de planning familial de nombreux pays durant les trois dernières décennies. Elles réfutent en outre les arguments rejetant le potentiel d'augmentation substantielle de la prévalence à travers la satisfaction de la demande existante de limitation des naissances. Les raisons possibles de la concrétisation accrue des préférences incluent l'accès amélioré aux prestations contraceptives et la réduction des coûts non directement liés à l'accès à la contraception (considérations culturelles, sociales et de santé, etc.)